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didier maufras

palmarès 1997 : une équerre méritée, mais pour le reste "on connaît la chanson"



La remise de l’équerre d’argent à la réalisation du palais des Beaux-Arts de Lille ne soulèvera sans doute jamais de polémique, tant l’œuvre démontre au visiteur une originalité, une poésie et une évidence qui suffisent à la distinguer des autres. Il faut d’autant plus s’en réjouir que le patronage du ministère de la Culture aurait pu apparaître dans le cas contraire comme une opération apologétique discutable. Les autres œuvres de ce palmarès sont elles plus attendues, car leurs architectes sont souvent des valeurs confirmées, et le futur historien ne manquera pas de trouver dans ce choix et les précédents la matière à une analyse critique des jurys de concours d’architecture: toutes les œuvres ou quasiment en sont en effet issues puisque leurs maîtres d’ouvrages sont publics. Et c’est là que la polémique aurait du sens puisque "Le Moniteur" dans un éditorial du 9 janvier -"Grands absents"-, peut-être maladroit mais à coup sûr imprudent s’autorise un constat de carence de la maîtrise d’ouvrage privée.

La maladresse n’est pas évidemment dans la dénonciation de cette carence, car elle est largement vérifiée en statistiques pures. Elle est, injuste vis-à-vis des maîtres d’ouvrages privés qui ne la méritent pas et que "Le Moniteur" lui-même comme d’autres revues (encore) indépendantes de ce groupe publient. Elle est, dans la répétition du même éditorial depuis quinze ans.

Plus fondamentale est l’imprudence que ce dernier révèle pour les raisons suivantes :

  • comme pour la légion d’honneur, on ne reçoit pas par hasard l’équerre d’argent, on y postule. La démarche a surtout l’inconvénient d’émousser la curiosité des journalistes qui préparent la sélection de ce jury.

  • tout ayant été déjà dit sur les concours d’architecture, dont l’existence et le déroulement ne finissent pas d’alimenter une polémique sans issue, je me contenterai d’affirmer que pour un palais des Beaux-Arts de Lille, les concours publics accouchent de neuf tours de force, qui feront assurément de belles photos, qui feront elles-mêmes de beaux dossiers de présentations à de futurs concours… On se posera un jour la question de savoir si l’architecture y a gagné en proportion appréciable par rapport à l’époque où ces fameux concours n’étaient pas la règle universelle, ou si au contraire la pratique architecturale ne s’est pas enfermée elle-même dans un autisme suicidaire.

  • on peut en effet constater que les architectes n’y ont certainement pas gagné, car justement je prétends que la promotion de toutes ces images dans les revues spécialisées, par accumulation, sans classement ni pédagogie, n’a pas "éduqué" la majorité de la maîtrise d’ouvrage privée, quand elle n’a pas diminué sa confiance dans les architectes au vu de certains projets.

  • après sept ans de crise immobilière, où est la part de la maîtrise d’ouvrage privée dans la construction de bâtiments de quelque importance, seuls susceptibles apparemment de justifier une telle distinction ? Que je sache, en France du moins, la maîtrise d’ouvrage privée construit rarement, et de toute façon sans concours, autre chose que des bureaux, des établissements industriels ou des logements ? On cherchera en vain des exemples remarquables de ce type dans l’édition 1997 de ce palmarès. Mais je ne suis pas sûr pourtant que l’attitude de modestie que requièrent de tels programmes de la part de leurs auteurs ne se retrouvent pas dans leur volonté de rester en marge de ces événements médiatiques. Sauf bien évidemment si leur statut d’étranger leur confère une aura particulière, car nul n’est prophète…

  • enfin peut-on imaginer la poursuite de la caution ministérielle si d’aventure un prix décerné par un groupe privé récompensait plusieurs années de suite des programmes privés ?

DM, 01/02/1997

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